ÉVANGILE : « Il se fit reconnaître par eux à la fraction du pain » (Lc 24, 13-35). Homélie du Père Jean du Sacré-Cœur du 23 avril 2023.
Voilà, nous retrouvons ce texte que nous connaissons bien dans notre église. Quelqu’un me faisait la remarque hier que ça revenait peut-être un peu trop souvent. Pendant ce temps Pascal, on l’a reçu le jour de la Résurrection, le lendemain avec le lundi saint, le lundi de l’octave. Quelques jours après encore. C’est vrai, ce texte peut être répétitif lorsqu’il est lu sans l’Esprit-Saint. Mais malheur à nous si nous ne trouvons pas Dieu au travers des Écritures, parce qu’un texte comme celui-là, et bien, il est insondable. Il y a tellement de choses à dire, à partager dessus. Et de la même manière que nous sommes chacun des livres ouverts.
La Parole de Dieu, un canal grand ouvert
Ne fermons pas le livre de l’autre
Malheur à moi si je dis de mon frère, de ma sœur, de mon époux ou encore pire, de mon épouse : « Bon, c’est bon, j’en ai fait le tour, Je le connais, il ne m’intéresse plus, elle ne m’intéresse plus, Je passe mon chemin. Voilà, je joue. J’ai déjà. J’ai déjà tout compris de sa personne, de son histoire. » Ce n’est juste pas possible cela. Parce que là, c’est tuer l’autre, le tuer dans mon cœur et ne plus le laisser être source de vie pour moi, a fortiori la Parole de Dieu. Elle est un livre toujours ouvert, une source surabondante de grâce et de mystère à découvrir comme la personne que je rencontre. Peut-être est-elle trop fermée sur elle-même Et alors Oui, comme ça tourne en rond, ça tourne en boucle. Il n’y a plus grand-chose à en attendre.
Mais tel n’est pas la vocation de l’homme et de la femme créée par Dieu à son image et ayant pour vocation d’être un canal de la grâce. Mon frère, ma sœur sera toujours un livre ouvert pour moi. S’il est connecté à Dieu et qu’il laisse passer cette grâce.
Ouvrons les écluses du ciel
C’est pour cela que nous devons susciter cette vie, la susciter chez nous-mêmes en nous connectant à Dieu pour être justement ses canaux grands ouverts, pour que Dieu puisse, passant par nous et se partager, se diffuser. Si je suis coupé de Dieu, alors oui, ma vie commence à tourner dans une boîte à chaussures et je deviendrais réellement plus du tout intéressant. Telle n’est pas ma vocation, telle n’est pas la vôtre. Alors c’est à moi aussi de susciter ça chez mon frère, ma sœur, que je trouve inintéressant, toujours à tourner en boucle sur lui-même, sur elle-même. Eh bien, c’est le moment de déclencher cette rencontre avec le Seigneur, d’ouvrir les écluses du ciel. La Parole de Dieu, c’est un canal toujours grand ouvert et c’est notamment ce que nous dit ce texte.
Des disciples blasés
Aujourd’hui encore, pourtant, nous voyons comme nous facilement des disciples blasés et si profondément blasés. Oui, il y a eu une petite phrase qui l’exprime très très bien au début de cette rencontre et nous distillent à Jésus qui ne l’ont pas encore reconnu. « Nous espérions ». Ça, c’est dramatique, c’est fatal. Voilà, L’espérance est morte. Il y a bien eu une espérance, mais maintenant elle est morte. C’est à l’imparfait. « Nous espérions ». Souvent, notre humanité est triste parce qu’elle a espéré. Elle n’espère plus. Parce qu’elle ne croit plus. Parce qu’il n’y a plus cette ouverture à la grâce, au mystère de Dieu. Parce qu’on laisse tout s’abîmer à l’intérieur de nous, ne jugeant les choses que sur les apparences. Ces deux disciples avaient bel et bien pensé que Jésus allait donner son ultime révélation. Je pense qu’au dernier moment, il était à Jérusalem. Ils se sont dit contre toute attente et justement contre toute apparence, sur Jésus va se révéler in extremis. Cela au début, il se laisse malmener, etc. Mais il y a un moment où il va faire éclater sa gloire, jusqu’au dernier moment, peut-être jusqu’à ce qu’il soit sur la croix. Mais ce n’est pas possible. Non. Jésus va se révéler là, là, c’est le moment où le Ciel va s’ouvrir. Et puis là, il va y avoir un miracle énorme. Et Jésus va, va, va être en gloire finalement. Et ça ne s’est pas passé. Voilà. Alors c’est la catastrophe. Tout s’est écroulé pour eux, cette espérance si profonde. Car ils faisaient partie des disciples du Seigneur.
La Parole de feu qui fait de nous des disciples
Quelques perles dans le texte d’aujourd’hui. Parce que, comme je vous le dis, ce texte, on l’a eu X fois. Aujourd’hui encore. Mais il y encore 1000 choses à en faire jaillir. Alors essayons d’en extraire quelques points, trois. Je vois notamment aujourd’hui ce feu que suscite dans le cœur des apôtres, de ces deux disciples du Christ, la Parole de Dieu, Jésus « qui leur ouvre L’écriture » nous dit le texte. Ensuite, il y a ce temps de l’illumination, ce repas qui est fondateur pour une troisième fois, la mission qu’ils vont prendre en main, dans laquelle ils vont entrer. Tout d’abord, les deux disciples ont un cœur brûlant. Ils ne s’en rendent même pas compte. « Tandis qu’il nous expliquait les Écritures ». Oui, parce que cette Parole de Dieu, elle est vraiment là pour éclairer nos intelligences, faire brûler nos cœurs. La Parole de Dieu, elle doit faire de nous des disciples. C’est la première disposition et comme le dit souvent le pape François, des disciples qui doivent devenir aussi des disciples-missionnaires, un autre que le Père du temps. Je ne sais pas si c’est lui qui l’a inventé, comme cela est dit disciple amoureux, missionnaire. C’est encore mieux. Ça va encore plus loin, vous voyez. Être disciple, on a reconnu le Maître. Mais reconnaître le Maître, cela ne nous donne peut-être pas tout cet enthousiasme et ce feu à l’intérieur, dans le cœur du disciple amoureux.
Être amoureux de Dieu
Oui, on ne doit pas être moins qu’amoureux de ce Dieu qui nous a tout donné. Si moi, jeune homme, je suis capable d’être amoureux de cette jeune femme et d’être prêt à tout donner pour elle et réciproquement, alors combien plus, combien plus envers Celui qui est la source de mon être, mon Créateur, mon Dieu, mon Sauveur ! Comme c’est une belle prière à faire : demander à Dieu de nous donner un cœur amoureux, amoureux de lui, amoureux de Sa Parole, disciple amoureux et missionnaire. Et comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Le jeune homme, la jeune femme qui a trouvé son futur époux, sa future épouse, quelle joie il a, quelle joie ils ont à partager ce trésor ultime ! Ça y est, j’ai trouvé l’amour ! J’ai trouvé celui ou celle qui me comble et qui, je sais, pourra me combler tous les jours de ma vie. Et sans faire obstacle à cet amour de la terre si grand, combien plus la Parole de Dieu et la présence de Dieu dans nos vies met un feu en nous.
Un feu à entretenir
Et ce feu, voyez, il peut être là, nous l’avons peut-être nous aussi ressenti à l’occasion d’une célébration. Cette flamme, une petite flamme peut-être, et qui nous a révélé de l’intérieur que oui, vraiment, la vérité, elle est là. Et ce toucher intérieur nous empêche de douter. Mais pour autant, si nous ne le faisons pas nôtre, ce petit feu peut diminuer et diminuer encore. Et c’est ainsi que parfois, il arrive que des chrétiens qui ont reçu de telles grâces et bien finalement deviennent tièdes, froids et meurent dans leur cœur, parce que parce qu’ils n’ont pas entretenu ce feu de la Parole. Nous devons le demander cela. Rappelons-nous aujourd’hui aussi ces étincelles de lumière et de gloire que le Seigneur a mis dans nos cœurs, sinon nous ne serions pas là. Vous y êtes, vous, ici librement, vous adultes Peut-être y a-t-il des enfants parmi nous qui sont moins de même avec la joie au cœur, parce qu’ils ne savent pas encore, parce que ça, c’est encore un trésor à découvrir. Mais vous, parents, vous êtes là. Et pour leur donner et en espérant que cette lumière se diffuse et comme ces petites flammes de Pâques que nous nous sommes transmises les uns aux autres, telle est notre mission. Il faut que cette écriture, elle brûle dans nos cœurs comme elle a brûlé dans le cœur des disciples d’Emmaüs.
La rencontre du Christ ressuscité
Il y a donc également ce temps important du repas, éclairé par cette parole qui donne la sagesse. Les yeux des disciples étaient prêts à s’ouvrir. Il a fallu la Parole. Il a fallu cette rencontre par le cœur du Christ ressuscité. Et alors il nous est dit que Jésus se révèle à ce moment-là. Et je me dis que peut-être bien, il s’est passé quelque chose.
Que s’est-il passé au moment de la fraction du pain ?
Comment ça se fait que c’est à ce moment-là, au moment de la fraction du pain ? Pourquoi l’ont-ils reconnu seulement à ce moment-là ? Jésus a-t-il fait un miracle ? Tout d’un coup, Il a levé le voile de leurs yeux, de leur aveuglement. Ça a pu être cela. Et si c’était parce que jusque-là, Jésus était habillé comme eux. Et puis tout d’un coup, comme dans ses apparitions aux disciples, à ces disciples enfermés, l’Évangile qu’on a eu la semaine dernière notamment. Peut-être bien qu’au moment où Jésus a présenté le pain, il a dévoilé ses mains et ses stigmates. Et là, ils ont compris. On peut le penser parce que Jésus apparaît comme cela, comme sur le tableau du Christ miséricordieux. C’est Jésus se fait une gloire en fait de deux de ces blessures.
La gloire qui passe par la souffrance
Et quelle belle chose à méditer aussi que tout d’un coup, c’est qu’en découvrant là la gloire qui passe par la souffrance, ces stigmates qui portent pour toujours ces marques de la persécution du Christ Jésus qui se montre dans sa fragilité, Jésus qui se montre dans cette vulnérabilité qu’il a accepté. Et tout d’un coup, c’est là que les yeux se dessinent. Oui, ce Dieu que nous voyons lointain, tout puissant, « notre Père qui es aux cieux », ça nous va bien. Écoute, Seigneur, reste aussi. Parce qu’en fait la majorité de nos contemporains le vivent comme cela. Oui, j’y crois au Bon Dieu, mais qu’Il reste aux cieux parce que ça va très bien sans lui. Et puis d’ailleurs, quand ça va mal, j’ai déjà essayé de prier, ça ne m’a pas aidé. Donc oui, oui, il est aux cieux. Quel dommage ! Mais non, notre Dieu, c’est celui qui se fait proche. Bien sûr, il est aux cieux pour dire qu’il n’est pas embourbé, empêtré dans cette horizontalité qui va à sa mort. Non, il est aux cieux parce que c’est tout de suite une élévation lorsqu’on tourne son cœur vers Dieu. Eh bien, c’est l’âme qui porte le corps et non pas le corps qui tire inexorablement l’âme vers la terre, jusqu’à douter, jusqu’à ne plus espérer. Alors les disciples ont vu et ont reconnu.
La force de partir
En voyant le Christ, ils ont compris qu’il était le Ressuscité à ce moment. Et alors là, une force incroyable du coup jaillit en eux. Et alors qu’ils étaient fatigués, tristes est venu à ce moment-là, le temps de témoigner de cette vie éternelle. Parce qu’il y a tout. Lorsqu’ils découvrent le Christ et ces stigmates, c’est tout qui est résumé là. La Parole, Il est là, vivant au milieu de nous. Les marques de ces stigmates c’est qu’Il est passé par la mort. Il est ressuscité. Il est vraiment ressuscité. Alors, nous dit l’Ecriture, ils repartent tout joyeux, comme dit le pape François. Cette jeunesse éternelle d’une Eglise toujours en sortie, c’est tellement important pour lui, et il nous le dit à temps et à contretemps, notre pape, tellement décrié aujourd’hui. Mais il nous y invite à chaque retrouver cette jeunesse éternelle, celle qui a été ravivée dans le cœur des disciples d’Emmaüs qui du coup les pousse tout de suite dehors.
Une Eglise en mission
Une Eglise en sortie, une Eglise vers les périphéries, parce qu’elle a trouvé dans le Dieu en Dieu la source de cet amour qui n’aspire qu’à une chose et à se diffuser. Alors, comme les disciples d’Emmaüs, nous devons être ceux qui, nous aussi, ont reconnu le Christ ressuscité dans les Écritures. Nous les partageons ici dans l’Eucharistie que nous allons recevoir. Nous renouvelons ce même cheminement, cette fresque. Elle est ici pour cela. Ce n’est pas juste une peinture à regarder. Non, cela nous parle de nous. C’est ça doit être ici le cheminement de tout chrétien. Prenez le temps aussi. Arrêtez-vous devant cette fresque. Méditez chacune de ces stations-là, et cela mettra de la lumière dans vos intelligences, de la chaleur dans votre cœur, et qui normalement et nécessairement vous donnera envie d’aller, d’aller la diffuser.
Partons nous aussi annoncer la Bonne Nouvelle
Parce que maintenant ayons fait cette découverte et nous faisons cette découverte aussi. Nous devons pouvoir témoigner de cette vie qui ne meurt jamais, et même dans les situations les plus difficiles et les moments les plus sombres de notre espérance, Même lorsqu’il y a, il n’y a plus aucune espérance lorsque nous en sommes à nous espérions. Non, il faut retrouver ce Feu, cette Lumière. Aujourd’hui, alors que le Christ ressuscité nous envoie et nous renvoie aujourd’hui de manière nouvelle, en mission. La mission, elle s’accomplit maintenant dans vos cœurs par la Parole de Dieu, par toutes ces grâces que vous êtes venus retrouver, recevoir ici, et le Seigneur les déverse en vous. Et vous devez ensuite joyeusement et en sortie, aller la diffuser autour de vous. « Alléluia. Le Christ est ressuscité. Christ est vraiment ressuscité. »